jeudi 8 janvier 2015
Ze day after yesterday
Bon, voilà, j'ai pas dit le dixième de ce que je voulais dire, mais bon... On va dire qu'hier, c'était pas Byzance au niveau de la productivité. J'ai bien peur que ma bouteille de Ricard ne compte au nombre des victimes de ce funeste 7 janvier.
Et ce matin, se lever en sachant que tout le monde va en parler... Comme dans cette case de Franquin dans les Idées noires : "Merde, c'était un rêve... Le cauchemar, c'est quand on se réveille..." C'est bizarre, dans ces cas-là, tu as envie de partager ta peine avec certaines personnes, mais il y en a plein, tu aimerais fort qu'ils ferment leur gueule. Tout le monde y va de sa petite réaction, de son petit lieu commun, de son petit hashtag jesuischarlie... Moi aussi, cela dit. Je ne prétend pas valoir mieux.
Il y a tous ceux qui crient au drame, à la tragédie, qui d'un seul coup "sont" Charlie - pas mal d'entre eux qui n'en avaient rien à foutre quand Charlie paraissait dans les kiosques, qui ne l'achetaient jamais, qui disaient que "quand même, ils vont trop loin", que "ils jettent de l'huile sur le feu", que "ils sont limite racistes"... Ils "sont" Charlie en ce moment, pour une semaine tout au plus. Avant, ils s'en foutaient. Après, ils s'en foutront. En ce moment, ils se foutent éperdument de la situation dramatique dans laquelle se trouve toute la presse papier.
Il y a tous ceux qui -pire - n'en ont rien à foutre tout court, ne se rendent pas compte de la portée de ce qui vient de se passer.
Il y a ceux qui récupèrent. Il n'y a pas de petit profit, ma bonne dame, il faut faire feu de tout bois. Aux rassemblement de soutien, n'oublions pas les drapeaux de notre chapelle. On vient pour soutenir, autant se faire un peu de pub avec.
Il y a la "Journée de deuil national". C'est avantageux, une Journée de deuil national. Ça coûte rien, tout au plus quelques morceaux de ficelle pour mettre les drapeaux en berne, et une minute de silence. Minute de silence... Pour Charlie... On devrait plutôt faire une minute de hurlement, de hurlement de rire. Une heure. Deux. Une minute de silence ? Je suis sûr que n'importe laquelle des victimes se serait réjouie de lâcher une caisse à la vingt-deuxième seconde, juste pour casser la gravité, qui est le bonheur des imbéciles.
Il y a ceux qui disent "Bien fait". J'ai un joli commentaire sur la note précédente à ce sujet. Je me tâte à l'enlever, comme on tire la chasse - mais ça serait lui donner raison - ou à lui répondre - mais je m'en sens pas le courage, pour le moment.
Il y a les grands gagnants, qui font double bénéfice : être débarrassés de ce journal qu'ils détestaient, et lui faire l'ultime affront de grimper sur son cadavre pour s'en servir de tribune, afin de prôner ce que Charlie avait toujours combattu. Marine Le Pen veut organiser un référendum pour le rétablissement de la peine de mort.
C'est drôle, dans un cas comme ça, tu réagis avec ton intellect, avec ta raison ; mais aussi avec tes émotions. J'ai l'impression d'avoir perdu un pote. Un pote qui s'appelait Charlie, que je connaissais depuis longtemps, un pote de bahut. On ne se voyait pas toutes les semaines, mais à chaque fois qu'on se voyait, on était contents de passer un moment ensemble. C'est comme ça, entre vieux potes. Alors oui, il était grossier, provoc, un peu insortable, il choquait pas mal de monde. Moi-même, il y a eu des fois où je n'étais pas d'accord avec lui, sur un point. Alors on s'engueulait. C'est comme ça, entre vieux potes. Mais j'ai toujours approuvé, admiré, sa pratique sans limite de la liberté. J'ai toujours été d'accord avec la pertinence de son combat et de sa méthode. Je ne suis pas Charlie. Il n'aurait pas aimé qu'on le suive. J'ai marché à côté de lui. C'est comme ça, entre vieux potes.
Ça va être vachement moins marrant, sans mon pote.
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Émouvant, plein de vérités, bravo, sublime hommage et courage.
RépondreSupprimerLà franchement, Guillaume, Respect.
RépondreSupprimerMerci.
RépondreSupprimerSuper Guillaume!
RépondreSupprimerAu-delà de la tristesse et du choc, comme toi je me pose un tas de questions sur ce qui va suivre. Hier soir lors du rassemblement spontané et très digne qui a eu lieu dans ma petite ville, des abrutis (dont je peux dire sans trop me tromper qu'ils se situent à droite de la droite), ont tenté d'embarquer la foule dans une direction qui aurait fait se hérisser les poils de toute la rédac de Charlie en entonnant la marseillaise. Ils ont vite été remis à leur place par le public, mais ça montre que les manipulations et tentatives de récupération sont déjà en route.
RépondreSupprimerNi haine, ni armes, ni violence. De l'amour et du rire: toujours !
Bien dit mon pote!
RépondreSupprimerBravo Guillaume, j'aurais pas dit mieux.
RépondreSupprimerLe plus triste dans cette histoire, c'est que les mecs de Charlie ont été tués à cause de quelque chose qu'ils défendaient eux-même corps et âme : l'immigration.
RépondreSupprimerAvant, on buvait à la mémoire des décédés au bistrot du coin. Aujourd'hui, on fais silence en baissant la tête... . On sait quelle option les gars de Charlie auraient choisi.
RépondreSupprimermonsieurlepsy > Merci, même si je ne pense pas être porteur de vérités ni être celui qui a le plus besoin de courage en ce moment. Ni même donner un hommage. Mais quand le chagrin est partagé, ça fait moins mal. Donc merci.
RépondreSupprimerJori > Bah mon Jori, le respect, on l'a pratiqué activement à une certaine époque, quand on parlait de Fraternié entre camarades... Ce sont des choses qui construisent. À long terme, vu qu'on construit encore sur ces bases, toi comme moi.
Clément Schaffner > Merci à toi.
Msei BD > Au plaisir de parler d'intelligence avec toi très bientôt... À Gretz, d'ailleurs ! L'endroit où un merveilleux fou volant a fait voler son Éole. Je trouve ça assez joli.
Philgreff > Ah ben, pour citer Audiard, "Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnait". Charlie Hebdo ose tout aussi, mais il nous montre la différence entre l'irrévérence et la connerie, qui est la même que celle qui sépare la grossièreté salutaire de la vulgarité de fond de poubelle.
Fiox > Merci mon pote ! Ça me touche que ça te touche. C'est un toucher au carré.
Sigmund > Bien sûr que si. J'ai juste écrit avant toi. "Trop rapiiide... Trop puissaaant... Ninjaaa..."
Anonyme > Le plus triste, c'est que leurs cadavres servent déjà de marionnettes macabres aux mains de tout ce qu'ils combattaient. C'est à te dégoûter de la vocation de martyr.
Anonyme : T'inquiète, pour ce qui est de célébrer ça, j'ai pas trop baissé la tête... J'ai préféré lever le coude vers les nuages.
Intéressante question que tu poses dans cette BD... pourquoi les extrémistes musulmans ne s'en prennent pas à Zemmour ou Le Pen, qui pourtant vomissent sur l'Islam dès que l'occasion médiatique leur en est donnée (souvent, donc).
RépondreSupprimerJe pense que ça tient plus à la définition du takfirisme qu'à une volonté de "faire partir les meilleurs en premier"...